LES 3EMES ET LE SPECTACLE (SUR-)VIVANT !

Déplacement massif à la salle Mosaïque de Collinée pour tout le niveau troisième ce jeudi 24 janvier ! Objectif : assister à la représentation, par le Théâtre du Totem, de la pièce de Denise Bonal, Honorée par un petit monument. Inspirée d’un fait divers réel survenu en Italie dans les années 70, l’intrigue présente un jeune homme de 23 ans, Antoine, qui vient d’être amputé de sa jambe droite à la suite d’un accident du travail. Comment rester vivant quand, selon le mot d’Antoine, « tout est changé » ? La pièce ouvre des pistes de réflexion, sans jamais verser dans la noirceur que l’on pourrait redouter…

A l’affiche

« Dénoncer les travers de la société », « Se raconter, se représenter » : deux thèmes d’étude au programme en classe de 3e. Évidemment, le handicap prend pleinement sa place dans pareille réflexion et le théâtre est un parfait vecteur pour donner corps à ce qui pourrait, en classe, ne rester que théorique. Parlant de ses choix, le Théâtre du Totem explique vouloir explorer et questionner des « sujets forts »’… : mettre en scène le réveil post-opératoire d’un jeune amputé d’un vingtaine d’années, voilà qui donne forcément matière à se projeter lorsque l’on a 15 ans…

Pour se projeter, rien de tel qu’une mise en condition efficace : elle a eu lieu dès l’arrivée des élèves, reçus dans le hall d’entrée de la salle Mosaïque par le comédien -et directeur de la troupe- Christophe Duffay : « Qu’est-ce qu’être un bon spectateur ? ». Question qui obtient immédiatement réponse : « Ne pas parler ». Bien vu… A cet élément primordial s’ajoutent d’autres recommandations d’usage ; l’essentiel étant de comprendre que « spectacle vivant » dit « comédiens » et donc respect dû au travail présenté sur scène. Et quand on entre dans la salle, c’est déjà entrer dans le spectacle…

Mot d’accueil et mise en condition
Chacun cherche sa place

Noir dans la salle et blanc acier/acide sur scène : une chambre d’hôpital. Antoine s’y réveille, il vient d’être amputé : un accident sur son lieu de travail le prive d’une partie de lui. Désespoir, déni : se « reconstruire » ?? Comment ?? Pour Antoine, pas d’alternative : l’hôpital doit lui restituer ce qu’il lui a retiré ! Et Antoine de se mettre en tête de récupérer sa jambe, ce « lui » dont il ne s’imagine pas privé. Et de vouloir…l’enterrer, avec toute la pompe requise, afin que cette jambe soit « honorée par un petit monument » et qu’il puisse plus tard être complet dans la mort (« C’est moins définitif qu’un enterrement entier » souligne d’ailleurs l’un des autres personnages). De jeux de mots en crises violentes, de fous rires en altercations terribles, la pièce se déploie et parvient, en 1h25 environ, à condenser trois ou quatre mois d’hospitalisation. Le temps du parcours, le temps du cheminement intérieur, le temps de la résilience.

Mère et fils : communication difficile…

Aux côtés d’Antoine, sa mère, perdue dans sa propre souffrance : « je ne te retrouve plus » dit-elle à son fils qui lui explique son projet inouï ; une infirmière, rompue à tout et maniant le thermomètre aussi bien que les mots, interlocutrice « qui ne (lui) a jamais menti » ; Hélène, jeune aide-soignante du même âge que lui, débarquée de son Aveyron natal sur fond de crise avec sa mère et qui porte, elle aussi, un deuil : celui de son père, mort il y a pourtant longtemps de cela. Dans la chambre, un voisin de lit, « le vieux » : fantasque et blagueur (« C’est un hôpital où on ne s’ennuie pas ! » assure-t-il lorsqu’il assiste à la scène où Antoine accueille sa mère, la jambe amputée remise à sa place, sur le lit !). Amoureux comme au premier jour de sa défunte épouse Marguerite, il sait aussi se faire la voix du temps qui file et qui sait renifler la sagesse où elle se trouve tapie (« Votre fils, je voudrais l’avoir comme père » déclare-t-il gravement à la mère d’Antoine, dépassée par la situation). Passe aussi sur scène le commercial d’une maison de pompes funèbres, la Maison Robillard : flairant le client, bassement opportuniste au point de distribuer les plaquettes publicitaires de son entreprise, il recule devant la demande d’Antoine : « l’honneur » de sa maison pourrait-elle se risquer à réaliser des faire-part annonçant l’inhumation d’une jambe ? Et même s’il se gargarise en soulignant qu’« un bel enterrement, c’est la signature de la vie », il file et se défile.

Mère vs fils : à chacun sa douleur…
Vendeur de cercueils au pied du lit !!

Rêves, cauchemars atroces, discussions gentiment grivoises, flirt badin avec la belle Hélène, échanges houleux et douloureux avec sa mère : Antoine avance, malgré tout, malgré lui. S’il s’écrie au départ : « Je vivrai en pointillés », il reconnait ensuite qu’il voulait avant tout « être nécessaire ». Reste à déterminer comme il pourra continuer à l’être.

Blouses blanches pour cauchemar rouge

Les élèves ont su faire preuve d’une belle qualité d’écoute tout au long de la représentation et c’est tout naturellement que la discussion s’est amorcée en bord de scène, avec les comédiens revenus après les saluts.

Salut final
Un échange constructif

Chloé s’est interrogée sur le temps nécessaire à la création d’un tel spectacle. Zoé voulait savoir si un fait réel était bien à l’origine de la pièce. Nils est intervenu pour s’étonner des aspects parfois caricaturaux des personnages et pour commenter la scène de cauchemar, forte de son effet « Massacre à la tronçonneuse » ! Charlotte qui posait la question du message exact véhiculé par la pièce s’est vu retourner sa question…à laquelle elle a très aisément donné réponse : « avancer dans la vie, quand même. » Rosalie, pour sa part, est revenue sur la distribution : « Pour choisir vos rôles, vous aviez un personnage préféré ? ». Question jugée pertinente par Laurence Colin, « l’infirmière » et Zouliha Magri, « la mère », qui ont hésité un moment avant de se fixer sur leur personnage définitif : mère ou infirmière ? Deux figures incontournables auprès du jeune Antoine, deux manières de se coller au réel…et de le retrouver.

Reste désormais à réinvestir pleinement cette expérience en classe, par le biais de restitutions et lectures variées : un réseau d’ouvrages sur le thème du handicap, de la maladie et de la différence circule depuis déjà plusieurs mois entre les quatre classes.

Réseau de lecture

Apprendre à lire, apprendre à être ? Laissons le dernier mot à Antoine : " Il y a des hommes, en ce moment qui se dirigent vers la mer… Je suis loin derrière, mais pour le moment, il faut que j’apprenne à marcher… à marcher… à marcher… Comme un qui commence… »

Page spécifique consacrée à la pièce : HONORÉE PAR UN PETIT MONUMENT https://www.theatredutotem.com/honoree-par-un-petit-monument

Voir en ligne : Site du Théâtre du Totem