Théâtre au collège !

Ce que je veux dire…

Tomber en amour !

Comme un cadeau, la Compagnie théâtrale briochine AK.Entrepôt a posé ses tréteaux au collège pour toute la journée du jeudi 13 octobre : elle a offert in situ deux représentations de sa création « Ce que je veux dire…Tomber en amour », l’une aux élèves de quatrième, l’autre aux élèves de troisième auxquels s’était ajoutée une fine brochette de résidents de la Maison Moncontour dans le cadre des rendez-vous intergénérationnels régulièrement instaurés. Une heure durant, en disposition bifrontale gradinée, le temps se suspend pour découvrir un face-à-face inédit, mis en mots et en scène par Laurance Henry : celui de Nils et d’Alice. Un adolescent face à une dame âgée…qu’ont-ils à se dire ? Pourquoi se parler ? L’âge n’a-t-il vraiment rien à faire à l’affaire ?..

Une représentation le matin, une l’après-midi : la salle polyvalente du collège s’en trouve toute retournée ! Une scène à même le sol, des gradins en vis-à-vis de part et d’autre de cet espace. Des casiers patinés, ambiance campus américain…Les spectateurs prennent place. Pour la première, collégiens et résidents de l’Ehpad se côtoient avec facilité et attendent avec la même circonspection (d’autant qu’ils auront à plancher sur un projet d’écriture commun dont cette pièce sera le ferment…) : qui ? quoi ? …

Public mêlé !

Une dame s’avance, lentement, d’un pas posé, tout comme le regard qu’elle fait couler sur les gradins…dans lesquels elle prend place. Toujours ce silence. Puis le voici, cet ado encapuchonné de gris, démarche vive au rythme de ses baskets. Il se rue vers les casiers, ouvre le sien : un miroir. Il y plonge une fois, deux fois, tant de fois. Il ferme, ouvre, court, se jette au sol, se relève, compulse frénétiquement son téléphone portable, prend des selfies, s’agite, attend, hésite, repart…Un ado, caricatural ? Non, un ado. Qui ne sait pas où se poser. Qui mime la violence d’un round de boxe aux allures de ballet comme pour affronter un ennemi invisible auquel il finit par donner voix, par donner cris, en se lançant dans des litanies d’ordres, contre-ordres, menaces, remontrances et beaux discours : ceux des parents, ceux des profs…les « silence ! », les « range ta chambre ! » des adultes qui ne sont plus des ados. Quelques mots fusent hors de ce magma indigeste : « J’veux pas, j’peux pas parler ». Mais surtout, saillants de douceur dans la logorrhée des cris : « Ses yeux…sa bouche rouge…ses cheveux roux… ».

Dire sa colère…

Et c’est là qu’elle entre. Cette dame au regard doux. Qui attend qu’il lui lance son ballon de basket. Des passes et des paniers, des rires. Puis un jeu de construction, ensemble : sorties du coffre à jouet, des pièces Kapla qui s’assemblent pour former une tour (pour lui), une île (pour elle), éloignée mais reliée. Effondrement. Le moment de dire le vrai : « Elle s’appelle comment ? ». Le fil est là, la conversation se déroule, les pensées s’accordent, l’expérience se partage. Lui, c’est Nils, il aime pour la première fois. Elle, c’est Alice, elle aime encore une fois. Il a peur. Elle n’a plus peur. C’est quand même encore une première fois.

Réfléchir à deux
Construire ensemble !

Alors tous deux se préparent pour leur rendez-vous respectifs. Le miroir, c’est lui pour elle et elle pour lui. Qui est l’ado, qui est l’adulte face à l’amour qui frappe au cœur ? Dans un ballet aussi ébouriffant que décalé, entre ambiance dressing et piste de danse, les voilà qui sont beaux, qui sont prêts à aimer. Nils parle désormais sans employer de négation. Il peut enfin dire « J’suis heureux ».

Se préparer à deux !
En miroir l’un de l’autre !
Pas de danse !

Inutile de dire combien les deux comédiens, dans leur face à face lumineux et tendre, ont su happer l’assistance et mettre en exergue ce que l’on oublie trop : que les sentiments et le bouleversement qu’ils génèrent n’ont que faire de l’âge de ceux qui les éprouvent ! L’expérience est partageable, elle aide à avancer et à se construire. Grâce à Alice, Nils trouve enfin le chemin qui relie la porte de l’enfance au seuil de la vie d’adulte ! Au moment de l’échange bord de scène, les spectateurs ont su questionner, réagir et saluer la performance. Collégiens comme résidents de l’Ephad ont applaudi l’énergie positive et communicative insufflée par le texte et par les comédiens Françoise Bal Goetz et Thomas Couppey. D’ailleurs, comme un clin d’œil, c’est une Françoise spectatrice qui a chaudement félicitée la Françoise comédienne, tout en soulignant le brio de Nils/Thomas. L’âge ne fait donc rien à l’affaire : quand on aime, on le dit !

Bord de scène
Un after entre un Thomas et deux Françoises !